L'interview deCecil |
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par Kalkaf |
Bordeaux, le 21 août 2006 C’est là, dans une ruelle légèrement excentrée, derrière une façade de pierre blanche typiquement bordelaise, grisée par le temps et la pollution, qu’oeuvre le réseau Poaplume. Un loft au parquet claquant, des poutrelles métalliques, une atmosphère architecturale froide et peu engageante mais à l’intérieur, des personnes joviales, sympathiques et accueillantes. Bref ! Tout le paradoxe et le contraste des bordelais stigmatisés sur quelques mètres carrés. Au sein de cet atelier de designers, Cecil est un électron libre. Seul à travailler sur de la BD, il dispose d’un bocal / aquarium lui permettant de s’isoler tout en profitant pleinement du reste du plateau à travers les parois vitrées. Précis, méticuleux et perfectionniste, il montre un intérêt vif et marqué pour les arts traitant de la mise en volume : architecture, urbanisme et sculpture. S’il admet puiser son inspiration à travers les oeuvres d’autres artistes en s’en imprégnant et en les transformant, il considère que ceux qui s’attèlent à la mise en 3D de ses réalisations graphiques doivent aussi exprimer leur interprétation au-delà d’une simple et pâle copie. Ce qui semble avoir été chose faite ! |
Kalkaf pour Le Réseau Bombyce se passe notamment dans une ambiance « Art Nouveau ». As-tu un attrait particulier pour l’architecture et la sculpture ? |
Cecil - Oui, je le reconnais ! Pour tout dire quand on fait de la BD, on est amené à tout dessiner. On ne fait bien de la BD que si on a un intérêt pour toutes les formes d’art : la peinture, la sculpture, l’architecture, l’urbanisme, ... comme par exemple l’organisation et la gestion du système routier de Bordeaux. L’architecture est un de mes centres d’intérêt. A une époque, lorsque j’avais 20-25 ans, j’avais un attrait très prononcé pour « l’Art Nouveau » et particulièrement Horta. Il crée de façon symétrique et très délicate. Horta et d’autres belges qui ont une moindre réputation mais la même sobriété constituent ma référence. Je suis moins attiré par Guimard dont l’approche est équivalente mais moins symétrique, moins raffinée même si mon premier contact avec « l’Art Nouveau » s’est fait tout petit à Paris où les bouches de métro me fascinaient. |
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Création d'Horta
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Entrée du Métropolitain parisien par Guimard |
L'Art Nouveau vu par Cecil - Planche du Tome 3 du Réseau Bombyce |
Kalkaf pour Qu’est-ce que les arts t’apportent ? |
Cecil - Ils nourrissent ma curiosité naturelle et pas uniquement mes BD. Dans le Réseau Bombyce, j’ai créé une architecture de toute pièce. Même si je me réfère à la ville de Bordeaux, je n’en respecte la structure que très grossièrement. La ville est plus en dôme comme Marseille. On la verra mieux dans le tome 3 où on la survolera par strate. En fait, il s’agit d’un mélange entre Bordeaux, Lyon et Marseille. Ma curiosité pour l’architecture, l’art pictural, le cinéma, ... nourrissent mon inspiration. Mes créations sont issues de mon vécu à travers les oeuvres des autres... à travers les échanges entre les créations des autres et celles que je peux fournir après les avoir vues. |
Une planche du Tome 3 du Réseau Bombyce en cours d'encarge avec vue sur la ville |
Kalkaf pour Dans l’antre du Baron Harcourt, Eustache propose à Mouche d’embarquer quelques statuettes mais Mouche est sceptique sur leur valeur. Toi, quelle valeur donnes-tu de manière générale aux statuettes de BD ? |
Cecil - Je ne suis pas plus attiré par les objets 3D numérotés et signés en résine que cela. J’ai du mal à considérer les objets 3D comme des objets de décoration. Quitte à avoir des objets, je préfère les jouets articulés qui sont plus ludiques et plus abordables en prix. Je trouve les personnages de cartoons, de Dragon Ball ou de Popeye fabuleux. |
Kalkaf pour Samuel Boulesteix a sculpté Eustache et Mouche pour la Librairie 85000 à La Roche-sur-Yon. Comment est né ce projet ? |
Le Testament de Godefroid de Bouillon - Freddy Lombard - Chaland Edition normale et Tirage de Luxe |
Cecil - Quand j’ai gagné le prix Canal BD, Dominique, le responsable de la Librairie 85000 m’a proposé, comme pour les auteurs récompensés précédemment, de réaliser un tirage limité. Pour ce tirage, je voulais un truc bien fait, qui soit une véritable excroissance, incluant un making-off, des études sur les personnages, … et pas uniquement un simple dos toilé. Je souhaitais quelque chose dans le style du Testament de Godefroy de Bouillon d’Yves Chaland. Dominique a tellement été séduit par mon projet qu’il m’a offert le Testament de Godefroy de Bouillon et m’a proposé de faire réaliser, si j’en avais envie, mes personnages en volume ! J’ai accepté à la seule condition que je puisse choisir le sculpteur. Je voulais que celui-ci s’accapare mes personnages pour en faire quelque chose de personnel. |
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Kalkaf pour Pourquoi avoir choisi Samuel Boulesteix ? |
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Cecil - J’avais vu plusieurs objets de lui. Il s’agissait d’objets non-peints, patinés dans la masse. Les sujets ne me plaisaient pas trop, mais j’ai apprécié son travail de sculpture. Il a notamment fait un petit faune accroupit de Crisse de toute beauté avec une vraie sensibilité. Je lui ai proposé le projet, je lui ai montré l’esprit dans lequel je voulais que le projet soit conduit. Je ne voulais pas un respect stricto sensu du dessin mais un travail d’interprétation personnelle du personnage. Au final, il a accepté. Il m’a fait une proposition de position sur ce qu’il ressentait. Ce n’est pas par prétention, mais je voulais un objet noble, un genre de fac-similé, une résine en patine bronze comme celles que j’avais vues chez Sam. Dominique m’a alors proposé de faire aussi un vrai bronze. Il a pris un gros risque, mais de ce que je sais, les exemplaires en bronze se sont presque tous vendus. Aujourd’hui, Dominique compte sur l’arrivée du tome 3 pour vendre la suite en résine. La patine bronze des versions résines est tellement bien faite qu’il faut soulever la statuette pour savoir laquelle est en bronze et laquelle est en résine. Mais je suis en retard pour le Tome 3. Du coup, je suis vraiment désolé par rapport à Sam, Dominique et aussi par rapport aux lecteurs. (S’excusant) |
Eustache et Mouche par Samuel Boulesteix pour le compte de la Librairie 85000 |
Kalkaf pour Comment cela s’est-il passé avec Samuel Boulesteix ? |
Cecil - Tout s’est bien passé ! Quand Sam m’a apporté Mouche, je l’ai validé tout de suite. J’avais juste fait quelques croquis et il s’en est inspiré de façon nickel. Pour Eustache, nous n’avions pas le même ressenti. Il le voyait plus romantique alors que je voyais un personnage plus dur, plus sombre comme on le découvrira dans le Tome 3. Si Mouche est un personnage ambigu, il n’est pas le plus ambigu des deux. Nous avons eu plusieurs discussions sur pas mal de parties de la sculpture. A chaque fois, je lui laissais le temps de s’approprier mes remarques qu’il validait au final. Cela a fonctionné de manière idéale. Pour lui aussi, cela a été une bonne expérience. Depuis, nous sommes restés amis. On va faire des choses ensemble. Sam est la gentillesse incarnée.
Sam m’a aussi fait rencontrer un fondeur qui avait travaillé sur des pièces plus monumentales. J’ai été très gâté par cette rencontre qui m’a permis de voir la fabrication des bronzes, avec la patine, la ciselure, le tout dans un cadre magnifique ! Finalement, sur ce projet, c’était moi le plus crispé ! Je trouvais aberrent de faire des vrais bronzes et que l’on puisse investir autant d’argent dans mes personnages. Sam et Dominique apportaient l’élan au projet, alors même que je m’essoufflais sur le Réseau Bombyce et que ma collaboration avec Eric (Eric Corbeyran) explosait. Il m’était donc difficile de travailler sur le Tome 3 tout en consacrant une partie de mon énergie dans une relation conflictuelle. J’ai du reste abandonné pour l'instant un projet graphique en tirage limité autour du cirque de Mouche.
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Kalkaf pour Et pour le projet avec Dominique Mufraggi, comment a-t-il pris forme ? |
Eustache par Dominique Mufraggi Premier moulage résine du prototype Version finalisée couleur |
Cecil - En fait, c’est Isabelle de Démons & Merveilles qui avait découvert le Réseau Bombyce. Elle l’avait lu et apprécié. Elle a soumis l’idée à Dominique Mufraggi qui montait sa collection. Lui aussi a été séduit et a proposé de partir de la couverture du Tome 1. Ils ont contacté les Humanos et ont fait les démarches nécessaires.
Quand les Humanos et Figures & Vous m'ont informé du projet, j’ai été très surpris car j’étais en retard sur le Tome 3. Je n’y croyais pas et je me suis dit que le projet ne se ferait pas.
Quand six mois plus tard, ils m’ont dit que le travail de sculpture était lancé, j’étais encore dubitatif. Puis, j’ai eu des nouvelles de Dominique (Dominique Mufraggi) par téléphone. Il souhaitait que je lui donne des références dans mes bouquins pour qu’il puisse sculpter certains détails. Et 15 jours plus tard, alors que j’étais monté sur Paris, il m’a montré un modèle mal dégrossi.
Quand un mois plus tard j’ai reçu des photos, j’étais vachement surpris de la vitesse avec laquelle il avait réalisé la mise en volume. La pièce était très prometteuse. Et quand 15 jours plus tard, il m’a envoyé de nouvelles photos par mail, j’ai été abasourdi par le respect des détails. C’était mieux que la couverture. Il y a une justesse dans son travail qu'il n’y a pas dans le mien ! C’est pareil avec le Stryge qu’il a fait pour Richard (Richard Guerineau) !
Figures & Vous de leur côté étaient très à l’écoute de mes exigences. Pour la mise en couleur, j’avais des appréhensions : souvent les sculptures sont très belles, mais une fois peintes, elles perdent leurs qualités. Je voulais un travail soigné et doux, avec des couleurs pas trop criardes. Je voulais aussi que le sculpteur contribue au choix des couleurs avec moi. Les couleurs mettent en avant sa pièce, son travail. Il faut aussi que cela lui plaise. Je voulais qu’on valide les couleurs à deux et pas uniquement tout seul. Ils y ont répondu à 100%. Il n’y a vraiment rien à redire sur Eustache ! Ils comptent le sortir pour la Noël ! |
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Kalkaf pour Malgré tes craintes de départ, ce projet s’est finalement bien passé ? |
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Cecil - Oui ! Je suis assez chanceux, car aussi bien avec Sam qu’avec eux, tout s’est bien passé. Nous avons eu un super bon dialogue, une vraie écoute avec des réponses aux demandes des deux côtés. Lorsqu’ils me demandaient des informations, je faisais des croquis, des dessins, même si je ne les transmettais pas toujours dans les temps ! (Se sentant un peu coupable). |
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Kalkaf pour Comment as-tu vécu la relation avec ces deux sculpteurs tout au long de ces deux projets ? |
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Cecil - Avec Sam, c’est devenu une histoire amicale. Avec Dominique, il y a plus de distance. Il faut dire que Sam est à Royan. Il m’était facile de me rendre sur place. Nous nous mettions autour d’une table et nous discutions en mangeant. Il prenait son temps. Nous parlions de nos travaux annexes et progressivement est née une histoire d’amitié. Mais, même si les relations ont été plus épisodiques avec Dominique, le courant est bien passé. Nous avons prévu de nous voir quand je remonterais sur Paris. Du reste, j’aimerais faire en sorte que Sam et Dominique puissent se rencontrer. Tant qu’on peut tisser des liens, on y va ! J’entretiens de bon rapport avec les deux ! |
Kalkaf pour Quelles sont les différences entre ces deux sculpteurs ? |
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Mouche par Samuel Boulesteix |
Cecil - Dominique a une formation classique et rigoureuse. Ça se sent dans son travail. Il est très rapide et hyper juste. Il peut aisément travailler par simple échange de mails. Sam est autodidacte. Il a une approche plus empirique. Le travail que nous avons effectué ensemble est très différent. Le but pour Sam était de s'approprier les personnages et d'en faire une interprétation comme lui les ressentait. Pour Dominique la démarche consistait à mettre en volume un dessin. En fait, Sam fait du modelage alors que Dominique sculpte. Sam ajoute de la matière alors que Dominique en ôte. Sam, me semble t-il, travaille plus en douceur alors que Dominique est plus en nervosité, plus tendu. Enfin tout ça est du pur ressenti de ma part, je ne suis pas dans leurs têtes. |
Mouche par Dominique Mufraggi |
Kalkaf pour Ont-ils des points communs ? |
Cecil - Ce sont de vrais accros de leur boulot, de vrais passionnés. C’est ce qui les caractérise tous les deux. Ils ont aussi une grande capacité d’écoute. |
Kalkaf pour Quels sont les autres projets para-BD autour du Réseau Bombyce ? |
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Cecil - Dominique Mufraggi va sculpter Mouche à la suite d’Eustache pour faire le complément de la couverture, mais avec une légère différence. Là, on le démasquera car le visage donne le caractère. J’ai hâte de voir ce que Dominique va en faire. |
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Le prototype de Mouche par Dominique Mufraggi |
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Chris pour As-tu eu des retours sur l’Eustache sculpté par Dominique Mufraggi ? |
Cecil - Tous les gens qui l’ont vu, ont été enthousiasmé par le travail de Dominique. |
Le Réseau Bombyce - Tome 1 : Papillons de nuitpar Eric Corbeyran et Cecil 1999 Les Humanoïdes Associés |
Le Réseau Bombyce - Tome 2 : Monsieur lunepar Eric Corbeyran et Cecil 2002 Les Humanoïdes Associés |
Le Réseau Bombyce - Tome 3par Cecil A paraître
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Contes et récits de Maître Spazi - Tome 1 : Piccolo le fou tristepar Denis-Pierre Filippi et Cecil 2004 Les Humanoïdes Associés |
Holmes - Tome 1 : Episode 1/9par Luc Brunschwig et Cecil 2006 Futuropolis |
Holmes - Hors Série : Le making ofpar Luc Brunschwig et Cecil 2006 Futuropolis |