L'interview d'Enrico Marini

Enrico Marini travaillant sur le tome 5 du Scorpion

pour

par Kalkaf

Liestal, le 13/02/2004

Mais qui est Enrico Marini ?

A Darnetal, j'ai rencontré le Gipsy ! Ce côté un peu "ours", contraint d'affronter le monde extérieur hors de son "camion" ; méfiant à l'égard de cette foule dont il ne sait si elle est là par intérêt "jet-settique" ou par réelle admiration de l'œuvre et de son auteur. Sans doute un peu des deux ! Perdu dans ses pensées, dans son monde à lui, créant comme une distance égoïstement salvatrice avec ces lecteurs férus de dédicace, Enrico Marini se repose sur sa petite Oblivia à lui : sa femme !

Dracu ! Ce n'est qu'une fois cette nuée de "Rapaces" partis qu'Enrico montrera son âme vrai dans un ballet de balais avec Pascal Rodier afin de trouver définitivement la posture de la prochaine statuette du Scorpion.

Par la Suite, Enrico Marini, s'est révélé avec moi plus Scorpion ! Il évolue avec dextérité dans les hautes sphères de la Bande Dessinée et de la notoriété qu'elle lui confère ; offrant son côté "latin-lover" en échange de la superficialité et du caractère éphémère des relations nouées au fil des rencontres mondaines. Il maîtrise la valeur financière de son œuvre tout autant que sa fragilité temporelle. Il se réfugie dans sa "tanière" de Liestal, véritable havre de paix éloigné du tohu-bohu généré par sa simple présence à un festival. C'est là qu'il se ressource, qu'il s'enracine, se re-motive et dessine les aventures de ses héros qui ne sont finalement pas ses favoris pour rien !

Kalkaf pour Quelle est ta perception de la para-BD en général ? Et des statuettes en 3D ?

Enrico Marini - Il y a de plus en plus de statuettes et d'ex-libris. Je ne fais pas beaucoup d'ex-libris, de 5 à 10 chaque année, mais pas plus. Plutôt 5 que 10 d'ailleurs ! A la sortie d'un album par exemple. Je n'ai pas trop le temps d'en faire.

Si l'auteur est payé et qu'il rentabilise son "boulot" c'est très bien. C'est un moyen de faire plaisir à tout le monde : aux collectionneurs, aux libraires, … Les auteurs peuvent décider d'en faire ou pas. Les éditeurs, cela leur plait moins les ex-libris. Des fois, il y a des visuels qu'on a envie d'utiliser en affiches, en ex-libris ou en statuette. Pourquoi s'en priver ? Il faut seulement que ce soit contrôlé par l'auteur.

Les statuettes, c'est bien quand elles sont de qualité. Pour moi, il n'y a eu que les deux Rapaces et le Scorpion de fait. Il y a aussi un projet avec Attakus. Je privilégie la qualité et un sculpteur "top".

J'ai fait quelques affiches avec l'un ou l'autre libraires, ou pour des communications. Il y a aussi les portfolios et les sérigraphies.

Il faut faire attention à ne pas en faire trop.

Kalkaf pour Comment en est-on venu à une Camilla en 3D ?	Camilla de Fariboles
Enrico Marini - Je suis rentré en contact avec Fariboles. J'avais envie de bosser avec lui. Dargaud via un intermédiaire (Hyphen) a arrangé un rendez-vous. Mais l'idée de le contacter était là. Je pense que c'est l'un des meilleurs dans la profession. Dufaux était présent aussi. C'était clair, le projet était pour nous une statuette de Rapaces et on a commencé par Camilla, même si à l'époque Fariboles était plus intéressé par le Gipsy. Au début, on n'était pas sûr de la quantité. Mais après étude on est parti sur un tirage élevé (1000 de chaque), ce qui me semble beaucoup. Je trouve que Camilla est très réussie. Je suis très content de la réalisation.
Kalkaf pour Parmi toutes les réalisations en 3D qui ont été faites de tes personnages, laquelle préfères-tu ?
Enrico Marini - Je ne peux pas parler de préférence, il n'y a eu que Fariboles. Avec Attakus, on prévoit de faire une femme d'auteur à partir d'une réalisation libre, mais on n'a pas concrétisé l'idée en une statuette précise ; peut-être une statuette dans le style pirate comme sur l'affiche du festival d'Antibes. Peut-être qu'on va tomber d'accord là-dessus. J'ai bien envie d'essayer. Meynet et Vatine ont bossé avec eux et cela s'est bien passé.

Affiche du Festival BD d'Antibes

Drago de Fariboles

Kalkaf pour Comment ont été choisis les visuels qui ont servi aux différentes statuettes qui ont été réalisées ?

Enrico Marini - On en a parlé et il y avait quelques cases qui inspiraient Pascal Rodier. On a parlé de ces cases où les personnages dansaient presque. J'ai fait plusieurs croquis. Les deux personnages devaient être complémentaires pour pouvoir les mettre l'un à côté de l'autre. Je pense qu'il a regardé les albums pour étudier les personnages. Suite à cela, la discussion a évolué, revenant parfois sur la même idée pour repartir suite à quelques croquis.

La partie la plus délicate était le manteau autour du personnage. Il n'était pas clair sur la façon de le réaliser pour que cela reste un personnage en mouvement. Ce n'est pas facile à réaliser. Surtout chez Camilla qui est un personnage fin et une statuette très délicate, très fragile. Sur Drago, il était un peu plus rassuré. Il y avait moins de cassures car le personnage est un peu plus costaud. Chez Camilla le risque est grand que le doigt ou le couteau se casse. Mes exemplaires sont presque tous cassés. Je les répare moi-même maintenant. Ce qui n'est pas nécessaire chez Drago.

Kalkaf pour Comment interviens-tu dans la réalisation d'une pièce en 3D ?

Enrico Marini - Je suis à la disposition de Pascal s'il a une question. Le scénariste n'intervient pas car il s'agit d'une création visuelle. Pascal m'envoie des images, des photos de la progression de la sculpture. J'interviens dans le détails : "C'est trop long" ou "C'est trop court". Si c'est possible, on se rencontre et on fait des changements en direct sur la statuette. Je vérifie le prototype commencé.

Mais cela se passe très souvent par e-mail. Je redessine des positions ; je fais enlever un bout du nez qui est trop long ou un bout de mâchoire trop grande. A force de bosser ensemble, on commence à mieux se connaître.

Ce que j'ai vu sur le Scorpion est très chouette. Il a d'ailleurs formé la base à Darnétal devant mes yeux. Je pense qu'on n'a pas mal gagné de temps comme cela.

Kalkaf pour Justement, à Darnétal, tu dédicaçais pendant que Pascal Rodier de Fariboles sculptait. Qu'as-tu retiré de cette expérience ?

Enrico Marini - Je pense que c'est exceptionnel ! C'était la première fois mais peut être pas la dernière. C'est intéressant de le voir travailler et de voir comment le personnage prenait forme même si cela restait basique car les détails et la finesse ne sont arrivés que par la suite. C'était pas mal de voir cela. Je comprends mieux ce qu'il est possible de faire sur la sculpture que lorsque je communique par mail ou par téléphone avant de voir le prototype final. J'aimerais le faire plus souvent. Et pour les lecteurs en dédicace, c'est une attraction tout à fait originale. C'est une attraction qu'on ne voit pas souvent.

(Puis en rigolant)

Pascal devrait sculpter plus vite. Il devrait faire une statuette toutes les cinq minutes, les signer, comme cela le lecteur pourrait partir avec. Il faut qu'il s'entraîne un peu plus. Il est un peu lent !

Enrico Marini et Pascal Rodier au Festival de Darnetal 2003

Kalkaf pour Beaucoup de collectionneurs trouve le Pixi de Rapaces de mauvaise facture. Qu'en penses-tu ?

Les Rapaces de chez Pixi

Enrico Marini - Moi, je ne l'aime pas. D'ailleurs je n'ai pas suivi le boulot. C'était arrangé par Hyphen qui m'a présenté le truc final. Je ne le trouvais pas très beau et je n'aurais peut-être pas dû l'autoriser. Je pensais que ce n'était pas rentable de perdre du temps dessus et finalement je regrette un peu. Je n'ai pas participé à la réalisation. C'était le première fois avec du plomb et je ne connaissais pas ce travail. Eux ont été très indépendants par rapport à moi. Il n'y avait pas de communication, ils ne m'ont même pas demandé un dessin.

C'est le seul plomb qui existe et je ne pense pas qu'il y en aura d'autres, en tout cas pas chez Pixi et pas de cette qualité là !

Ce n'est pas facile de réaliser un personnage si petit et réaliste où alors cela demande plus de travail de la part du sculpteur. C'était peut-être un projet trop ambitieux. Mais je peux me tromper car je ne connais pas cette méthode de travail et je ne suis pas collectionneur de statuette en plomb.

Si je la faisais aujourd'hui jamais je n'accepterais une résine de cette qualité. Mais il y a des moments où on n'a pas le temps, on a d'autres soucis. Et, il n'y avait pas de communication réelle entre Pixi et moi. Cela m'a échappé, mais c'est une expérience. Les collectionneurs qui ne la trouvent pas belle ont raison de ne pas l'acheter et ils ont la possibilité de dire non.

Pour moi, cela n'a pas été un truc rentable ni financièrement ni pour le prestige. C'est pour cela que je m'en veux de ne pas avoir réagi. A l'époque, je me suis demandé si je pouvais faire recommencer un boulot qui avait été réalisé. J'ai un peu laissé passer. Mais ce qui compte, c'est le résultat final. J'aurais dû intervenir. Aujourd'hui, Pascal en souffre, il paye pour tout ce que j'ai subi.

Kalkaf pour Aujourd'hui le Scorpion est en préparation. Aimerais-tu voir certains de tes personnages passer en 3D ?

Enrico Marini - Le projet du Scorpion est bien avancé. Pascal arrive à la fin du prototype. Il a bien avancé sur la position, la tête. Tout y est ! Il ne reste plus que quelques petits détails à arranger. Maintenant il s'attaque à la couleur. J'espère que la statuette sortira cette année, peut-être à la rentrée. Cela dépendra de la rapidité de la production. C'est une très belle statuette, le Scorpion est en garde. C'est ce que les gens ont vu à Darnétal mais en mieux !

Je pense que si la statuette marche bien et que je continue à bien m'entendre avec Pascal sur tous les niveaux, il y aura d'autres personnages de la série. J'ai envie d'une petite série qui s'installe avec probablement la Gitane, un autre personnage féminin. Il est préférable que ce soit le même sculpteur, pour garder la même ligne. Ce serait sympa aussi d'avoir un moine guerrier ou le Cardinal. Cela serait cool une série de personnages comme ça qui se réalisent en statuettes. Je préfère la résine au plomb. C'est tout à fait différent. Je trouve la résine plus sensuelle, plus jolie. On voit plus les détails. En plomb, c'est difficile d'imaginer quelque chose de bien.

Les Rapaces ont bien marché parce qu'ils étaient originaux et que c'était les premiers. Maintenant, je ne vois pas une deuxième statuette de Camilla. Si cela vient très vite, ce serait idiot. Il faut créer une demande même si Camilla marche mieux que Drago. Camilla est vraiment très belle. Je la préfère aussi, ce sont sans doute mes hormones qui me contrôlent (sourires).

		Prototype du Scorpion de Fariboles (sortie printemps 2004)

Kalkaf pour Et un Gipsy en résine ?

Les héroïnes de Marini

Enrico Marini - Je le verrais bien en 3D. On en a discuté récemment, avant le Scorpion. Mais j'étais sur le personnage du Scorpion avec deux albums dans l'année, cela me paraissait plus intelligent de sortir une statuette du Scorpion.

Le Gipsy, c'est toujours une envie ; éventuellement à la sortie d'un album. Cela plaisait bien à Pascal, ce personnage en BD, hors du commun par rapport à ce qu'il a réalisé. Cela le change et puis dans la série, s'il a envie de réaliser une pin-up il y a toujours moyen. D'ailleurs il y avait des positions spécifiques qui l'intéressaient, notamment le visuel d'une affiche basé sur le cinquième tome. Mais je ne suis pas certain. Cela m'a fait plaisir qu'il s'intéresse au Gipsy. Moi, c'est un personnage que j'adore. Il reste le anti-héro de tous mes personnages. C'est le plus capricieux.

Kalkaf pour Tu sors le tome 4 du Scorpion en avril. Quels sont tes futurs projets en BD ?

Enrico Marini - Le Scorpion est prévu comme une longue série. Le nombre d'album n'est pas défini concrètement. Là, on est dans un cycle de six albums qui racontent la première longue aventure du Scorpion. L'histoire développée depuis le premier tome se terminera dans le sixième. Après, l'histoire continuera avec d'autres personnages et certains qui seront encore là. Pour l'instant, il est parti chercher la Croix de Pierre et il est en Turquie. Dans le cinquième tome, sa quête continue...